Rencontre avec les chercheurs du CGO : Marc CUGGIA

Les technologies du BIG DATA offrent aujourd’hui l’opportunité d’exploiter des données de santé pour faire avancer la recherche et améliorer les soins en cancérologie. Mais les enjeux du BIG DATA sont majeurs : éthique, transparence, sécurité…

Ainsi le projet ONCOSHARe porté par le Pr Marc Cuggia a été retenu pour un financement de 2 ans dans le cadre de l’appel d’offres structurant CGO/Régions en 2017.  Nous le rencontrons pour en savoir plus sur ses travaux.

ONCOSHARe : ONCOlogy bigdata SHARing for Research

 

Qui êtes-vous Pr Marc Cuggia ?

Professeur universitaire et Praticien hospitalier, je suis spécialiste de l’informatique médicale. A ce titre, j’occupe une activité d’enseignant-chercheur et hospitalière.

Je suis responsable du centre de données massives en santé à l’Université de Rennes 1 et responsable du réseau des centres de données du Grand Ouest (6 établissements).

Mon équipe multidisciplinaire compte des ingénieurs, médecins, cliniciens, médecins en informatique médicale, pharmaciens, et data scientists.

  • Sur quoi portent vos recherches ?  

Notre équipe invente et construit des outils et méthodes adaptées au traitement des données en santé. Elaborés par l’équipe, ils sont mis en œuvre à l’hôpital au service des cliniciens et pour des projets d’exploitation de données dans le respect des règles éthiques, déontologiques et réglementaires.

L’informatique médicale est une discipline d’interfaces. Notre objectif est de développer le translationnel dans le champ numérique. Nos recherches ont pour vocation d’exploiter des données en santé dites des données de vie réelle pour développer des innovations qui seront ensuite utilisées essentiellement dans de l’aide à la décision pour un patient (outils d’aide au diagnostic, à la thérapeutique, au pronostic) ou en population (pilotage de la santé, veille sanitaire).

Depuis plus de 10 ans, nous développons des travaux qui valorisent les données collectées avec des outils et des méthodes adaptés à ce type d’activité comme avec le déploiement d’entrepôts Ehop®, outil permettant l’extraction de données directement utilisables pour la recherche.

  • ONCOCHARe a été financé dans le cadre de l’AO Structurant CGO/Régions 2017. Présentez-nous ce projet. Quels étaient les objectifs de vos recherches et les résultats attendus ?  

ONCOSHARE a été lancé en 2017 au moment de la structuration au sein du réseauHUGO (groupement des hôpitaux universitaires du Grand Ouest) des sujets de données de santé en particulier des entrepôts de données.

Que veut dire l’acronyme ONCOSHARe ? ONCO pour oncologie / SHARE pour data sharing (data sharing : modalités de partage de données)

Quel est l’objectif d’ONCOSHARe ? L’objectif est de constituer un réseau de données massives en cancérologie à l’échelle du Grand Ouest pour répondre à des usages utiles à la recherche et à la prise en charge des patients.  Pour ce faire, nous avons mis en place une action de recherche et développement collaborative en impliquant différentes équipes pour adresser un certain nombre de verrous auxquels nous sommes confrontés lorsqu’on traite des données massives en santé.

Quels sont ces verrous ? la gouvernance ; la technologie - intégration des données dans des plateformes adéquates à leur usage ; les usages (métiers cliniques, de recherche)

Le projet implique 14 équipes du Grand Ouest (7 en Bretagne, 5 en Centre Val de Loire, 2 en Pays de la Loire)

  • Quels axes spécifiques relatifs à vos recherches sur le Big Data avez-vous pu développer grâce à ce soutien ?

Le programme scientifique et technique d’ONCOSHARe est constitué de 3 grandes tâches :

Partage et gouvernance des données ; Gestion et traitement des big data ; Scénario et évaluation des études pilotes.

L’équipe INSERM UMR 1099 LTSI-Université de Rennes que je dirige était coordonnateur du projet ONCOSHARe. Sa mission portait sur le sujet de la gouvernance et l’intégration des données dans ces dispositifs.

Les autres équipes travaillaient sur des sujets de cas d’usages ou sur des sujets de traitements spécifiques de certaines données.

Notre équipe LTSI a travaillé sur des axes très spécifiques en développant un workflow (Logiciel de modélisation et d'automatisation de Processus) en radiomique pour permettre l’intégration des données du PACS (base de données hospitalière qui gère les images), de pouvoir les récupérer, les réutiliser pour des projets de recherche.

Notre équipe est la 1ere en France à intégrer des données d’imagerie de façon quasi industrielle.

Parmi les nombreuses retombées du projet, on note l’industrialisation de ces prototypes qui seront proposés à d’autres établissements.

Les systèmes d’informations qui produisent les données dans les hôpitaux sont tous différents les uns des autres. Mais il existe un certain nombre de normes pour faire communiquer les différents briques qui composent un système. Notre équipe met en place une approche la plus générique possible pour que les réalisations technologiques mises en œuvre fonctionnent sur l’ensemble des établissements. Ce sont toutes les compétences de l’équipe qui ont permis de déployer des entrepôts de données dans le Grand Ouest. Actuellement le système est développé sur 17 hôpitaux.

  • ONCOSHARe. Comment permettre d’enrichir l’entrepôt avec des données spécifiquement, ou à très fort intérêt sur le cancer ?

Les équipes travaillent sur différentes sources de données : imagerie ; chimiothérapie ; génomique ; radiomique ; étude de faisabilité en recherche clinique ; identification de biomarqueurs.

L’idée est de permettre un accès de données de santé de vie réelle aux chercheurs. En sortant les données des systèmes qui les produisent, nous les mettons à disposition dans un entrepôt de données de santé. Cet entrepôt permet de croiser ces différentes données et de répondre aux cas d’usages portés dans le projet HUGOSHARE.

Ces entrepôts permettent de mettre à disposition l’ensemble de ce potentiel de données, de pouvoir les croiser, de pouvoir trouver des relations entre différentes informations et de le faire de manière sécurisée, conformément à la réglementation sans mettre en péril le dossier patient et le fonctionnement de l’hôpital.

Par exemple : permettre d’intégrer des données d’imagerie et de constituer automatiquement des cohortes de patients souffrant de cancers de la prostate ayant des caractéristiques clinico-radiologiques spécifiques.

Ces cas d’usages, ces finalités, ces usages de recherche orientent les travaux méthodologiques et technologiques. On intègre des données dans une perspective de réutilisation secondaire.

  • Quelles avancées vos recherches vont apporter dans le domaine des traitements des données massives en oncologie ?

Notre équipe LTSI maîtrise :

          • Intégration des données de chimiothérapie et les proposer à d’autres centres
          • Intégration des données d’imagerie
          • Mise en place  une gouvernance qui permet d’accompagner ces projets

Dans le champ de la recherche clinique, on connaît l’intérêt des données de vie réelle notamment sur : la faisabilité d’essais cliniques, le prescribing de patients qui peuvent être fléchés vers un essai clinique …

Le prescribing ? Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution.

L’intérêt du projet ONCOSHARe est d’apposer cette dynamique dans le domaine du cancer. En gardant comme principe clé que l’usage des données doit toujours relever d’une multidisciplinarité du caractère translationnel avec l’intrication des expertises techniques, juridiques, méthodologiques, cliniques, éthiques.

  • Quels sont actuellement vos axes de développement ?

Sur les sujets de génétique, nous avons mis en place une veille éthique et réglementaire autour de ces données de santé.

Après avoir enrichi les entrepôts dans chaque établissement, dans quelles conditions partager ces données de santé pour un projet qu’il soit académique ou industriel ?

Un travail avec le OUEST DATA HUB a été engagé pour définir une gouvernance et un processus de décision sur le data sharing.

Le data sharing ? Ce sont différents acteurs responsables de données comme les hôpitaux, les centres de lutte contre le cancer… ou des chercheurs, des start-ups qui veulent travailler sur ces données.

Mise en place d’une gouvernance :

Les Travaux dans ONCOSHARe ont permis la mise en œuvre effective de la gouvernance de la plate-forme OUEST DATA HUB (plateforme sécurisée au service de la recherche et de l’innovation) : mise en place d’un comité scientifique et éthique, de processus de pré- instructions, d’études de faisabilité, de formalisation des projets, et du déroulement de l’ensemble du processus.

Principe de gouvernance clé : Chaque établissement est responsable de ses données et a toute légitimité de les exploiter pour son compte.

La décision du traitement se fait par subsidiarité. Cela suppose de mettre en place un mécanisme de gouvernance qui s’effectue à un niveau interrégional. Dès lors, un projet porté par un académique ou un industriel doit suivre un processus qui permet d’associer tous les acteurs impliqués dans le projet.

La mise en place d’une gouvernance, d’une transparence permet de lever un certain nombre de verrous au partage.

Le projet ONCOSHARe a permis d’avancer de manière significative dans la modélisation de cette réflexion.

          • Plusieurs sujets : organisation, conditions de data sharing, identification des freins ou des leviers à mettre en œuvre pour partager les données
          • Les principes : la subsidiarité (transparence), RGPD (mettre à disposition des données avec parcimonie, ne partager que les données utiles à une étude)

Que vous apporte l’appui du CGO dans la mise en œuvre et la structuration de vos projets de recherche ?

Le CGO et la diversité de ses expertises permettent d’avancer sur ces sujets de big data qui restent à explorer. Ils permettent également de consolider ce qui est fait de manière plus globale dans le réseau des centres de données cliniques.

Le projet HUGO des centres de données cliniques du Grand Ouest est un dispositif structurant qui a besoin de s’enrichir de nouveaux cas d’usages, de nouvelles approches. Ainsi une partie du projet ONCOSHARe a permis de contribuer au renforcement de la structuration du réseau HUGO.

Le CGO fait le lien entre différents champs d’expertises et permet la création de nouvelles collaborations :

          • Il permet d’acculturer sur ces démarches de données massives encore trop émergentes en France
          • Il permet d’avoir une caisse de résonnance dans la communauté des cliniciens, des biologistes qui travaillent sur ces sujets.
  • Quel impact a pu et peut avoir le soutien du CGO sur vos projets ?

Le projet ONCOSHARe était lourd à manager avec 14 équipes dans le Grand Ouest.

Le soutien du CGO a été majeur avec l’aide du chef de projet de Françoise Léost pour gérer le lien avec les équipes, le suivi du projet et de l’administratif et la récupération des livrables.

 

Marc Cuggia « On rencontre des limites dans le secteur du big data. Il est difficile de recruter des data scientists. Il existe un problème d’attractivité sur ces sujets. Et le secteur manque de visibilité. Une formation par la recherche dédiée à la data science pourrait être une ouverture. »

 

 

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