L’Unité INCIT à Nantes obtient une Chaire Inserm : rencontre avec Nathalie Labarrière et son équipe

Publié le : 25.06.2025

Catégorie : Cancéropôle Grand Ouest

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L'Unité INCIT à Nantes obtient une Chaire Inserm : rencontre avec Nathalie Labarrière et son équipe

L’unité INCIT UMR 1302 vient de décrocher une Chaire Inserm sur le thème « Nouvelle génération de cellules T thérapeutiques pour l’immunothérapie du cancer ». Nous allons à la rencontre de Nathalie Labarrière, directrice adjointe de l’INCIT, pour en savoir plus sur ses recherches et son équipe au sein de l’unité.

Qui êtes-vous ? Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?

Nathalie Labarrière : Je suis directrice de recherche à l’Inserm, directrice adjointe de l’INCIT et responsable de l’équipe 3 «Immunosurveillance anti-tumorale et immunothérapie» au sein de l’unité. L’INCIT a été labellisée par l’Inserm, l’Université de Nantes et le CNRS en janvier 2022. J’ai commencé à travailler en 1990 sur l’immunologie des tumeurs à Nantes. En 1995, j’ai rejoint le groupe de F Jotereau pour développer des programmes de recherche en immunologie translationnelle, en étroite collaboration avec les équipes cliniques, notamment dans le domaine de l’immunothérapie du mélanome.

Où travaillez-vous et quel est votre poste ?

N. Labarrière, directrice de recherche Inserm, travaille dans l’unité INCIT UMR 1302 à Nantes dirigée par F. Altare, elle en est la directrice adjointe.

L’unité est composée de 4 équipes qui travaillent dans des contextes différents :

      • Équipe 1. Chef d’équipe F. Altare : « Modulation des réponses immunes et inflammatoires ». Inflammation, maladies inflammatoires de l’intestin
      • Équipe 2. Cheffes d’équipe L. Boussemart et B. Dreno : « Recherche clinique et translationnelle dans les maladies de la peau prolifératives et inflammatoires ». Pathologies de la peau (acné, brulures pour la régénération tissulaire et le mélanome)
      • Équipe 3. Cheffe d’équipe N. Labarrière : « Immunosurveillance anti-tumorale et Immunothérapie ». Collaborations avec l’équipe 2 sur les aspects mélanomes qui ont permis de développer plusieurs essais cliniques d’immunothérapie.
      • Équipe 4. Cheffe d’équipe E. Marion : « Physiopathologie et réponses immunes à M. Ulcerans ». Délocalisée à Angers, l’équipe travaille sur une mycobactérie endémique au Bénin (traitement, inflammation, rôle de la toxine) en collaboration avec un laboratoire au Bénin, qu’ils ont créé pour le développement de tests de détection de la mycobactérie dans les lésions.

L’INCIT rassemble un large spectre de compétences parmi ses 4 équipes, chacune composées de chercheurs, enseignants chercheurs, doctorants et post doctorants, ainsi que des ingénieurs, techniciens et personnels administratifs.

L’ensemble de l’unité poursuit un objectif commun : décrypter les mécanismes cellulaires et moléculaires associés aux réponses immunitaires pour développer des stratégies immunothérapeutiques.

Sur quoi portent vos recherches ? Quels objectifs visent-elles ?

Les travaux de N. Labarrière porte sur la Thérapie cellulaire du mélanome

Elle va de la recherche de cibles d’intérêt, c’est-à-dire des antigènes qui seraient exprimés spécifiquement par les cellules cancéreuses, pour arriver à les cibler :

  • Soit par de la thérapie cellulaire, quand nos cellules immunitaires reconnaissent ces cibles-là,
  • Soit par des approches de vaccination, en stimulant chez le patient les défenses immunes pour reconnaître ces cibles-là.

« Pour le mélanome, au stade primaire, l’exérèse suffit dans plus de 80% des cas » Nathalie Labarrière

Cependant au stade métastatique, le mélanome devient un cancer très agressif qui a la particularité d’être bien reconnu par le système immunitaire, c’est pourquoi il est possible dans cette pathologie d’exploiter toutes les stratégies d’immunothérapie.

« Une révolution d’anticorps qui permettent de revigorer le système immunitaire » Nathalie Labarrière

Quand ces cellules immunitaires activées par des cibles spécifiques vont rencontrer leurs cibles dans le microenvironnement immunitaire, celui de la tumeur, des mécanismes de frein se mettent en place pour les empêcher de fonctionner de façon optimale. La cellule tumorale va alors se mettre à exprimer des molécules qui vont retrouver leurs ligands1 sur les cellules immunitaires et aboutir à l’inhibition des fonctions.

D’énormes progrès ont été faits avec ces anticorps dirigés contre ces molécules appelés « immune check point » (inhibiteur de point de contrôle). Il s’agit d’une vraie révolution dans la prise en charge des patients mais cela ne suffit pas : 30 à 40% des patients résistent à cette thérapie. Pourquoi ? parfois par manque d’infiltration des lymphocytes dans la tumeur. Les thérapies cellulaires ou vaccinales consistent alors d’apporter :

  • Soit des lymphocytes spécifiques (purifiés et manipulés en dehors du patient puis réinjectés)
  • Soit des approches de vaccinations pour booster ces cellules chez le patient, souvent fait en combinaison avec les « immune check point ».

Pourquoi et comment avez-vous choisi cet angle de travail ?

« L’Immunothérapie est mon domaine préféré » Nathalie Labarrière

N. Labarrière a commencé ses études par une thèse en immuno-cancérologie, partie à Bruxelles elle réalise un post doc dans un domaine de la régulation d’expression des gènes en se formant aux techniques de biologie moléculaire. De retour à Nantes en 1995 dans le groupe de F. Jotereau, elle se passionne pour tout ce qui concerne le développement d’immunothérapie antitumorale.

L’équipe a toujours travaillé dans le domaine de l’immunothérapie antitumorale particulièrement dans la thérapie cellulaire mais aussi sur des approches de vaccination. Depuis 2010, N. Labarrière a repris la direction de l’équipe sur l’immunothérapie antitumorale. Une équipe de 23 personnes où chacun travaille sur différents programmes, tous avec le même objectif de développer des stratégies d’immunothérapie plus efficaces :

  • Dans le mélanome pour N. Labarrière et particulièrement sur la thérapie cellulaire et leur optimisation, avec F. Lang PU et C. Rabu, MCU, qui développent la recherche de nouvelles cibles et des stratégies de vaccination
  • N. Gervois Segain, PU et A. Jarry, CR Inserm, travaillent plutôt sur le développement de stratégie d’immunothérapie dans le cancer colorectal.

L’équipe de N. Labarrière est fortement soutenue par La Ligue contre le cancer :

L’unité INCIT U1302 vient de décrocher une Chaire Inserm « Nouvelle génération de cellules T thérapeutiques pour l’immunothérapie du cancer », qu’est-ce que cela signifie et apporte à votre unité ? Quel impact sur vos recherches ?

« Recevoir une Chaire est une grande chance ». Cela veut dire :

  • Pouvoir recruter un chercheur, également passionné par l’immunothérapie, qui va apporter un nouvel angle et de nouvelles compétences pas encore développées dans l’équipe et notamment des compétences de biologie synthétique.
  • Que l’Unité a été suffisamment visible dans ce domaine. C’est aussi une reconnaissance pour tout l’environnement nantais « cela prouve qu’à Nantes il se passe des choses dans le domaine de l’immunothérapie »
  • La possibilité d’obtenir de nouvelles connaissances et des méthodologies innovantes. Le but étant toujours d’optimiser les cellules thérapeutiques que l’on veut utiliser
  • Une somme d’argent sur 5 ans pour 1 chercheur de type post-doc confirmé (10 ans après sa thèse)

Rattaché à l’unité, le chercheur développera ses propres thématiques et selon son profil il pourra développer des collaborations avec plusieurs équipes de l’Unité.

« Cette Chaire, c’est l’arrivée d’un nouveau souffle, une nouvelle dynamique, un enrichissement pour l’unité » Nathalie Labarrière

 Quelles suites et perspectives vont être données à vos recherches ?

Les perspectives de l’unité INCIT sont de mener des projets du plus fondamental jusqu’au développement thérapeutique. Pour cela, l’unité a la chance d’être proche du CHU de Nantes et de l’Unité de thérapie cellulaire et génique avec lesquels les équipes peuvent faire des essais de phase 1. 2

Objectif : Aller au bout avec différents types de cellules

Par exemple, l’équipe 1 de F. Altare travaille sur une population de cellules T régulatrices, elle souhaiterait aller au bout d’un programme européen pour terminer par un essai clinique chez des patients qui souffrent de maladies chroniques de l’intestin et voir si l’injection de ces cellules permet de soulager l’inflammation.

L’équipe 3 de N. Labarrière travaille sur des sous populations de lymphocytes T d’intérêt dans le mélanome et le cancer colorectal. Après avoir prouvé l’intérêt de cette population et d’avoir fait des essais sur des modèles de souris, elle espère arriver au stade clinique en faisant un essai de phase 1 avec l’unité de thérapie cellulaire.

Au sein de l’unité INCIT, on trouve une fluidité et un continuum : les 4 équipes ont les mêmes objectifs dans des contextes pathologiques différents. L’intérêt de l’unité est aussi de pouvoir partager des équipements qui servent à plusieurs types de projets. Pour faire ces tris de cellules, il faut des équipements qui soient adaptables GMP c’est-à-dire dans le cadre d’une production de cellules thérapeutiques.

La Chaire donnera à l’unité INCIT encore plus de perspectives pour les options en thérapie cellulaire, notamment avec la montée en puissance de la biologie synthétique. 3

Quel constat ? Quelles sont les problématiques ? Quelles solutions ?

« Une des difficultés est de trouver la relève, il faut anticiper » Nathalie Labarrière

Pour N. Labarrière, il s’agit de préparer la suite mais elle rencontre des problèmes de recrutement. Les postes Inserm, CNRS sont rares et extrêmement compétitifs.

« Avoir une Chaire, c’est une chance car un premier financement est assuré pour 5 années, ce qui permet au chercheur recruté de développer ses projets, avec une perspective de poste stable à l’issue de cette période » Nathalie Labarrière

Afin d’améliorer le fonctionnement, il faudrait plus de postes de chercheurs et les rendre attractifs.

Quel rôle tient le CGO dans vos recherches ?

L’équipe 3 de N. Labarrière fait partie du réseau immunothérapies du CGO 4.

Unique dans le GO, ce réseau organise des journées scientifiques annuelles et diffuse sa propre lettre d’infos.

Au cours des journées du réseau immunothérapies, N. Labarrière retrouve d’autres laboratoires avec lesquels un travail de réponse à l’AOS CGO/Régions peut commencer.

« Le réseau immunothérapies du CGO permet une mise en relation, de savoir qui fait quoi, et de créer des liens » Nathalie Labarrière

Le CGO a lancé en 2025 un outil très important : le prix pour les jeunes chercheurs et les jeunes chercheuses. C’est un prix qui permet de financer un programme de recherche porté par ces jeunes chercheurs et ainsi favoriser leur indépendance, tout en valorisant leur cv dans une perspective de recrutement.

Le CGO est un moyen de diffusion d’infos via les réseaux sociaux, sa lettre d’infos et son site internet. Il crée une interaction entre et avec les équipes de recherches du GO.

Infos :  www.canceropole-grandouest.com

1 un ligand (du latin ligandum, liant) est une molécule qui se lie de manière réversible à une macromolécule ciblée, protéine ou acide nucléique, jouant en général un rôle fonctionnel

2 essais de phase 1 : première administration d'un médicament à l'homme

3 biologie synthétique : transformation des cellules immunitaires par des techniques de génie génétique

4 le réseau Immunothérapies du CGO : Les objectifs du réseau Immunothérapies, qui fédère une trentaine d'équipes des régions Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire, sont de promouvoir une recherche d'excellence dans le domaine des immunothérapies des cancers en facilitant les collaborations entre équipes cliniques et de recherche préclinique du Grand Ouest.

Equipe 3 de Nathalie Labarrière INCIT Nantes